Outwhere

par Estelle Nabeyrat, Commissaire d'exposition

Delphine Rigaud n’est pas de ces artistes ostentatoires que la part du visible et son investigation obsèdent. Ses oeuvres ne sont pourtant pas indifférentes à l’oeil, car-bien qu’elles flirtent avec la voie de la dématérialisation, elles assument pleinement leur confrontation avec une discrète physicalité, et se frotte au territoire de l’ordinarité.

Mais comment montrer ce que personne n’observe ? Delphine Rigaud aime faire apparaître des systèmes. Ses sources d’inspiration semblent contenir l’oeuvre de manière intrinsèque, lui dictant avec une évidence déconcertante, ses processus de production. On évoque souvent le caractère tautologique de son travail, par la confrontation de l’objet à son image, à son origine ou à son étymologie; pourquoi ne pas qualifier sa démarche de maïeutique de la matière signifiée, ou comment dégager le potentiel d’une oeuvre à partir des éléments qui la composent. Une fois mise à jour, l’oeuvre finalisée ne tente pas des échafaudages subversifs, la mise à nue est une latence. D’une façon presque protocolaire, qui n’envie rien à l’esthétique du tertiaire, Delphine s’applique à une stricte logique de production tenant le pathos à une distance sécurisante. Mais de ses démarches bien cadrées qu’elle s’appliquait à tracer dans ses premières années d’artistes après ses études aux beaux-arts de Clermont-Ferrand, Delphine a suivi depuis quelques chemins de traverse en se laissant tenter par quelques expérimentations plus aléatoires. Faut-il y voir une métaphore de la désorientation ? Suggestion faite à travers un ensemble de pièces encore fortement empreintes de ses premiers amours : la géographie, sa cartographie.

Ainsi, la pièce Out Out est un boîtier multifacettes reprenant le logo de signalisation d’une issue de secours. Placé sur un axe rotatif lui-même fixé au plafond, le petit caisson lumineux vient troubler l’orientation du visiteur de l’exposition. Si l’objet n’évoque qu’une désorientation-fiction, elle marque un temps d’arrêt dans l’hypothèse d’une d’évacuation d’urgence. Ici, Delphine se moque de la multiplication d’indications qui confère au message une certaine absurdité.
Et dans le même ordre d’idée, Nneesesswwnw est un ventilateur plafonnier dont les pales ont été remplacées par d’apparentes aiguilles de boussole. Effectuant une rotation lente sur elle-même, la prétendue boussole trouble les sens cardinaux et donne l’impression d’une perte d’orientation du bâtit même.
Enfin Méta-Temps est une horloge de gare modifiiée selon un principe identique, les aiguilles dont le rythme est inversé indique l’heure exacte mais selon des conventions détournées : l’aiguille des heures indique les minutes, celle des minutes les secondes... « Tous les temps sont obscurs pour ceux qui en éprouvent la contemporanéité » (1), selon le philosophe italien Agamben, le contemporain échappe au présent et se situe dans le delay, il parvient à désynchroniser. Ces trois installations de D.Rigaud traîte en un sens de ce temps suspendu, d’une succincte désorientation, sorte de tentative de s’accrocher à cet interstice présent dans un espace court. Une façon pour l’artiste de proposer un espace critique nécessaire maintenu à son époque. « ...le vrai contemporain , est celui, qui ne coïncide pas parfaitement avec lui ni s’adhère à ses prétentions et se définit en ce sens comme inactuel mais (…) précisément pour cet anachronisme, il est plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps ».(2)
D’une façon assez inédite, Halfalogue est une introspection personnelle dans la vie de l’artiste et qui fait suite à des recherches généalogiques qu’elle a effectué. Le petit post-it laisse transparaître une absence « Gone to my memory.Back in a bit. Please leave a message ». Involontairement, Halfalogue traduit tout autant une réflexion inavouée sur la temporalité dans une tentative de faire se rejoindre passé et présent.
Dans un registre quelque peu différent bien quoique toujours teinté d’ironie, Carbone procède d’un protocole de fabrication parfaitement calibré. Le carbone existant sous la forme de graphite et de diamant, D.Rigaud use de ce premier pour reproduire la formule chimique extraite de la classification de Mendeleiev. Le poids du graphite utilisé détermine ainsi la valeur de la pièce indexée sur le barème de quotation de ce même matériau mais lorsqu’il est sous la forme du diamant. Carbone propose donc une réflexion sur la valeur et sa démesure dans le champ de l’art Les contradictions contenues dans l’élément Carbone sont à l’image d’une économie qui échappe aux lois habituelles de la finance.
Cette même absurdité fait l’objet d’un dessin sur papier représentant une arborescence, sorte d’exercice de cartographie des fonctions occupées par quelques acteurs de l’art. Le dessin fait apparaître les jeux de relations qui font foi dans le microcosme de l’art. Pourtant là encore pas d’objectif de moralisation de ces systèmes de cooptation mais une mise à nue d’un intérêt souvent galvaudé. Delphine fait se rejoindre les paramètres des conversations souvent tournées sur les questions de réseau et de marché, une réalité qui préoccupe plus souvent que l’art lui-même. Une façon pour Delphine Rigaud d’être précisément dans le contemporain, de poser un éclairage vif et lumineux...

(1) P 19
(2) G.Agamben, « Qu’est ce que le contemporain ? », Rivages Poche, Petite Bibliothèque, 2008

JVC/HP

par Martial Deflacieux, Commissaire d'exposition

Contrairement aux apparences (l’image d’une camera qui fixe la rue) qui pourraient évoquer une critique des sociétés panoptiques livrées aux systèmes de surveillance, le travail de Delphine Rigaud n’est absolument pas politique. La démarche de cette artiste confère même plutôt au désengagement, non pas au sens idéologique mais par l’absence d’une expression subjective.

C’est même un certain nombre d’éléments assez objectifs qui peuvent nous permettre d’appréhender l’oeuvre présentée, à commencer par le titre JVC / HP. JVC qui représente simplement le fabricant de camera et HP pour celui des scanners. Les techniques utilisées nous mettent un peu plus sur la voie, d’un coté une photographie, de l’autre un film.
Lorsque l’on réalise que le film peut provenir de la camera JVC et la photographie avoir été prise par le scanner on commence alors à entrer au coeur du système tautologique mis en place par Delphine Rigaud. Plus que la représentation d’une mise en abime (une camera filmant un numériseur en train de le scanner et ainsi de suite), c’est la stabilité de ce système d’équivalence qui peut nous fasciner. Toutefois L’absurdité du dispositif, une caméra face à un scanner, devrait aussi nous éloigner d’une lecture purement objectiviste.

Il y a beaucoup de malice et de plaisir dans le travail de Delphine Rigaud et ce qui l’intéresse, c’est avant tout de cheminer dans un système plutôt que d’en atteindre la conclusion.

Le dé du système

par Philippe Eydieu, Artiste et Commissaire d'exposition

En mécanique, le «traçage» consiste à inscrire sur une pièce brute, les axes et les contours permettant par la suite de l’usiner. Chez Delphine Rigaud, il y a un peu cette même volonté, elle pénètre l’engrenage d’un système donné puis l’extirpe pour lui conférer, en quelque sorte un usinage autonome. C’est pourquoi la plupart de ses oeuvres sont le plus souvent impliquées dans une forme tautologique, envisagées par elles-même et pour elles-même.

Exemple : Delphine reprend l’histoire du premier ready made - le porte bouteille de Marcel Duchamp - là ou elle avait commencé, avec une démarche généalogique et topographique elle en trace tous les itinéraires empruntés sur un planisphère qu’elle développe ensuite sur un site internet. Autre exemple, pour parler de télévision, elle se filme en train de démanteler patiemment et scrupuleusement un téléviseur jusqu’au dernier composant. Elle organise ensuite chaque élément sur un étal où tout est méticuleusement archivé.

Dans les sujets qu’elle aborde, elle n’hésite pas à remettre en question certains fondements acquis scientifiquement ou passés au crible d’une justification dans l’usage courant. Elle installe une zone franche où il est permis de douter des faits les plus avérés, comme ici, les fuseaux horaires. Ils représentent 24 divisions imaginaires de la surface de la terre, dont tous les points ont «en principe» la même heure légale.
C’est sur ce «en principe» que Delphine intervient et tente de remettre «les pendules à l’heure». En effet elle va multiplier le nombre de divisions pour transformer les fuseaux horaires en «fuseaux minutes», et obtenir ainsi une nouvelle donnée temporelle, mettant en évidence des variations de temps sur des distances extrèmement courtes. Elle boulverse ainsi mais très légèrement notre rapport au temps en effectuant un réajustement minuté. C’est ce réajustement permanent dans l’oeuvre de Delphine qui force l’admiration.
Comme une quête de vérité, armée d’une méthodologie sans faille, elle s’enferme dans la tâche qu’elle s’est inventée, dans le temps propre de l’oeuvre, pour ne relever la tête qu’une fois cette tache accomplie. Sans chichi et sans un mot de trop, avec la discrétion et l’humilité qui la caractérisent, elle remplit des missions à fortes charges poètiques et conceptuelles, en décorticant patiemment et avec méfiance certains codes culturels de nos sociétés.

Prêtons-nous au jeu

par Marion Wagner, Journaliste indépendante

Tracer vient du latin populaire tractore, de tractus, trait, substantif formé sur le participe passé de trahere, tirer. Trait vient du verbe traire. Traire est un mot de base d’origine populaire, directement issu du latin par évolution continue. Attesté pour la première fois en 1080 dans la chanson de Roland, traire est tirer jusqu’au XVI siècle. Tirer (le lait) apparaît à la fin du XIII siècle et se substitue à l’ancien français moudre, issu du latin molère, broyer. Il élimine les autres emplois de traire au XVIe siècle et demeure concurrencé par tirer, au sens de traire (une vache) dans les parlers du Centre [...]*.

En lançant une recherche sur Google on découvre que la chanson de Roland -chanson de geste- a été reprise par le poète Matteo Maria Boiardo qui composa Roland amoureux au XV siècle. Puis Aristote en créa une suite, Roland furieux. Elle inspira notamment l’opéra Roland, de Jean-Baptiste Lully, en 1685.

On pourrait en conclure, en suivant sa méthode, que Delphine Rigaud, lorsqu’elle crée Carbone, 2008-2011, tracé au graphite -une des formes, justement, du carbone- réalise une action dont l’origine étymologique est attestée pour la première fois au XI siècle. Toujours utilisée par les paysans la racine du verbe a voyagé jusqu’au Château de Versailles, où l’opéra de Lully fût mis en scène par Jean Berain (4 juin 1640-24 janvier 1711) le 18 janvier 1685**.
A l’image d’un étymologiste Delphine Rigaud exhume. Ressort de l’oubli. Trace des liens. Cherche la source. Inlassablement, elle poursuit ce qui s’est effacé, ce qui ne s’entend plus, ce qui est ignoré. Et défie, du même coup, le visible, bavard et imposteur, modifié et tronqué.
Une tâche titanesque à laquelle elle s’attelle avec humour et courage. Comme quand elle dessine l’arbre généalogique des personnages de La Cantatrice chauve, d’Eugène Ionesco ( Ionesco Piece, 2008). Le pompier y a un beau-frère qui avait du côté paternel, un cousin germain dont un oncle maternel avait un beau-père dont le grand-père paternel avait épousé en secondes noces une jeune indigène dont le frère avait rencontré dans un de ses voyages...
Dans Plaques tournantes, 2008-2011, cartographie, après enquête, du réseau de l’art contemporain français, graphisme tentaculaire et kafkaïen, elle ne dénonce pas un système mais met à jour son fonctionnement. Et le détourne, avec méticulosité. Pas de cynisme dans ce questionnement permanent et ces infinies variations.
Dans Génériques, 2006, elle compile et diffuse sur deux grands écrans suspendus le nom des contributeurs à l’exposition Les enfants du Sabbat 7 montée à Thiers, en 2006. Des artistes à ceux qui constituent l’exposition, sans en faire partie : les stagiaires, le producteur d’adhésif isolant, l’installateur de moquette...
Derrière ces propositions formelles c’est tout un pan de la réalité que dévoile Delphine Rigaud. Internet et la vidéo, à leur tour médiums et supports installent sa démarche dans l’art des nouveaux médias. Ses créations répondent aux influx de la réalité, sans la modifier. Elle s’y approprie le réel et le transforme, plutôt que de créer ex nihilo.
Et Marcel Duchamp, inspirateur du courant des nouveaux médias, en renierait d’autant moins la paternité qu’il est le sujet du site www.déplacements1914-2005. Un hommage amusé au père du dadaïsme où toutes les reproductions de son fameux porte-bouteille sont recensées et localisées à travers le monde.

On joue à saute Moutons?

par Cécile L. , Journaliste

Delphine Rigaud, jeune artiste (ça me fait plaisir de dire cela, on a le même âge !), s’intéresse aux réseaux, aux liens qui unissent les choses ou les gens. En gros, elle se casse la tête (je ne vois pas comment dire autrement) et va jusqu’à dessiner les différentes généalogies issues de la Cantatrice Chauve d’Eugène Ionesco. En trois tableaux, elle montre les rapports qui existent entre les différents protagonistes (mère, fille, époux, beau-père, grands-parents, etc.) et, comme toutes les fois où l’on se dit que le monde est petit (qui n’a pas discuté avec x et s’est aperçu qu’y et z étaient des amis communs ?), on se rend compte que tous sont, de près ou de loin, liés.

Elle poursuit ce travail et explore les liaisons possibles entre des gens issus d’un même milieu professionnel. Dans Plaques tournantes (2008) Delphine Rigaud s’amuse et nous (dé)montre les jeux de saute-moutons auxquels certains s’adonnent dans leur carrière, ici il s’agit du milieu de l’art. Elle dessine une toile qu’elle arrête en 2008 et, au vu du nombre de ramifications mises en place et de la quantité de celles qui pourraient y avoir en plus, on se rend compte d’un travail infini et qui pourrait être en évolution constante : une sorte de work in progress illimité ! Au moment du vernissage, on s’est dit que ce travail pourrait faire l’objet d’une numérisation 3D dans le maillage duquel il serait possible de se perdre tellement il y a d’embranchements et modification possibles (et pourtant on ne parle pas ou quasi pas de cumuls de mandat pour les professionnels de l’art contemporain !).

Je crois qu’on peut dire de Delphine Rigaud qu’elle est un détective privé qui cherche les liens et remonte des pistes. Et si son travail m’interpelle autant c’est bien parce que ce qui m’intéresse avant tout dans ma vie de tous les jours, c’est comment fonctionnent les choses, ce qui nous est caché…

Les Enfants du Sabbat 7

par Lily Reynaud-Dewar, Artiste

Génériques 2006
Ce que Générique donne à voir en tout premier lieu constitue bien plus que ce qui figure habituellement sur un carton d’invitation à une exposition. Générique fait défiler non seulement les noms de tous les artistes associés à Sabbat 7 et celui du Creux de l’Enfer, mais cite également les noms de toutes les pièces présentées dans l’exposition, des stagiaires associés au montage, des entreprises de la région ayant fourni les matériaux de base de l’exposition, etc. Formellement, cette pièce rappelle la scénaristique du réel amorcée par des artistes comme Pierre Huygue ou Philippe Parreno; elle est aussi une forme d’enquête minutieuse sur la genèse de toute exposition, et par là même constitue une reflexion pointue sur les mécanismes contemporains de monstration et de diffusion. En second lieu Générique est transposée en une pièce sonore, chaque mot du générique correspondant à un son, une note, retranscrits par un programme informatique. Delphine Rigaud se plie au caractère aléatoire de l’application d’une règle programmatique, et créé une composition abstraite qui sera le son «officiel» de l’exposition. Générique conjugue différentes préoccupations à l’oeuvre dans le travail de Delphine Rigaud sur une échelle synthétique: d’une part, rendre visible ce qui échappe d’ordinaire à la visibilité, donner une accessibilité aux mécanismes qui fondent l’existence d’un phénomène tel que celui de l’exposition; d’autre part, se conformer à une règle logique stricte, en assumer jusqu’au out le caractère aléatoire, jusqu’à cet absurde organisé et distancié qu’un artiste comme François Morellet ne renierait pas.

142s avenue Jean Mermoz(...)
Elle pousse souvent jusqu’à l’absurde les conventions qui régissent notre organisation, comme avec 142 avenue Jean Mermoz, où elle trace des lignes partant du 142 avenue Jean Mermoz à Clermont-Ferrand (adresse de l’école d’art) jusqu’aux adresses identiques dans d’autres villes.Une multitude de droites aussi abstraites qu’inutiles, hormis le fait qu’elles désignent le caractère abscons des conventions géographiques et de l’organisation urbaine. En pointant cette contradiction absurde entre la réalité physique de l’adresse et son homonymie conventionnelle, Delphine Rigaud retourne contre elle-même le matériau principal de sa démarche artistique, soit les cartes, plans, réseaux, bref, le vocabulaire formel de la géographie; dans un mouvement d’auto-analyse qui stigmatise parfaitement la dimension incrédule et critique de son travail. Elle le dit elle même avec cette clarté caractéristique: «A une époque où l’accès à l’information se démocratise via les nouveaux outils de communication et où la mondialisation et la profusion suscitent la nécessité de savoir d’où viennent nos produits de consommation courante, la traçabilité es un outil incontournable. Cet outil, je le détourne, l’inverse et l’applique à des situations autres.»

Made in
Made in... est un grand mural réalisé à partir de différents matériaux (mine de plomb, enduit de lissage, scotch de masquage, peinture) et figurant quatre fragments de paysages industriels superposés et enchevêtrés. Ces fragments sont des images synthétiques de bâtiments (réalité physique) / lieux de production (réalité économique et fonctionnelle). Chacun de ces bâtiments est le lieu de production du matériau utilisé pour le représenter (mine de plomb, enduit de lissage, scotch de masquage, peinture), dans une tautologie qui fait apparaître les caractéristiques principales du travail de Delphine Rigaud. Avec Made in..., les contingences de surface, la visibilité, rencontrent les réalités souterraines, les modalités de fabrication escamotées par le produit final, le cheminement secret des objets les plus banals, leur genèse.

Déplacements 1914-2005, 2005
Déplacements, 2005, est un site Internet entièrement consacré aux déplacements du Porte-Bouteilles de Marcel Duchamp, depuis le premier porte-bouteilles, en 1914, jusqu’à leur multiplicité actuelle. Ce travail, qu’elle qualifie «d’enquête sur un objet d’art à valeur d’icône dans l’histoire de l’art» analyse la navigation de l’objet au travers de l’outil de navigation que constitue par définition Internet. Par cette mise en abîme, mais aussi par l’abondance de documents annexes (fiches, disquettes, mails imprimés...) qu’elle installe aux côtés de la présentation du site en fonctionnement, le dispositif souligne l’impossible traçabilité de la «valeur» artistique et réduit son projet à une relative inefficacité, n constat d’impuissance malgré la quantité informative qui le caractérise.

Sans titre (graphique)
Cette manière de dévier, voir d’anéantir un outil d’organisation basique, on la retrouve dans Sans Titre (Graphique), 2005. Dans ce cas, c’est l’hypertexte qui est rendu simultanément visible et vain, par la simple transcription manuscrite de quantité de liens sur de grands lés de papier. Delphine Rigaud est partie du catalogue GNS ( probablement l’ouvrage qui fait le plus sens pour sa démarche, ou du moins condense le mieux ses préoccupations), listant toutes les références auxquelles renvoie le catalogue de l’exposition éponyme, pour construire une sorte d’arborescence infinie, allant quêter dans chacun de ces ouvrages les autres références auxquelles ils renvoient et ainsi de suite... Là encore, la fonction pratique et dynamique de l’hypertexte est rendue totalement absurde, mais l’on peut se représenter visuellement l’ampleur des liens et des connexions à laquelle la lecture d’un seul ouvrage renvoie. Le résultat évoque une toile très très fine, un dessin d’une immense délicatesse géométrique, obsessionnel, éthéré, patient. Mais aussi touffu, habité, organisé, à l’image à la fois des profondeurs de la psyché humaine, inextricables pans de la pensée entre lesquels Delphine Rigaud, à la fois conceptuelle et poétique,louvoie, un GPS en main et les yeux fermés pour mieux voir l’invisible.